Solid Body

LA GUITARE SOLID BODY

En dépit des apparences et à l’encontre des légendes urbaines, les guitares électriques à corps plein, dites solid body, ont une réelle acoustique, certes réduite et discrète lorsqu’on les joue sans amplification mais qui fait bel et bien partie du timbre propre de l’instrument. Bien entendu, les microphones de la guitare ainsi que tous les « filtres » que forment les potentiomètres et condensateurs ont une importance primordiale dans le son d’une guitare strictement électrique. Par ailleurs, la base du son amplifié de la guitare solid body demeure l’utilisation de l’amplificateur, pièce maitresse du système, sans lequel le « log » de Leo Fender serait resté à l’état de planche inerte. À électronique égale sur un câblage standard Gibson avec deux micros humbuckers ou P-90, la nature du timbre, de la dynamique, de la densité des registres, de la compression naturelle du son diffère beaucoup entre une Gibson ES-175 qui, en dépit de sa caisse de résonance, ne se fait réellement entendre qu’une fois branchée, et a fortiori une Gibson ES-335, une Gibson Les Paul, elle-même encore très différente entre ses modèles Standard (corps érable sur acajou, touche palissandre) et Custom (corps tout acajou, touche ébène), mieux encore pour s’en convaincre de cette autre « planche » qu’est la Gibson SG ! L’exemple vaut aussi partout ailleurs et, à électronique égale les Fender Telecaster ou Fender Stratocaster avec un manche en érable ou une touche en palissandre ne donnent pas à entendre le même timbre, idem pour un corps en pin qui sonne différemment d’un corps en aulne ou en frêne.

Ainsi, au cours des années cinquante et jusqu’à la mi-soixante, Gibson et Fender, les deux plus grandes marques d’instruments électriques s’affrontent : d’abord géographiquement, la culture de la côte Ouest contre celle de la côte Est, quand le raffinement d’un jazz urbanisé se confronte à la balourdise d’un western-swing provincial ; ensuite, conceptuellement, quand le soleil de la lutherie classique se fane devant la modernité d’un kit de menuiserie – ce à quoi peut se résumer le concept fabuleusement simple de Fender – ; enfin, humainement, quand durant quinze ans, à la manière des Boat Race des universités d’Oxford et Cambridge, deux hommes, Leo Fender et Théodore McCarty (1909-2001) pour Gibson, rivalisent d’efforts et de talent pour que leur entreprise remporte la palme de la meilleure guitare électrique : Fender Telecaster, Fender Stratocaster, Fender Jazzmaster, Fender Jaguar, Fender Mustang, Fender Precision Bass, Fender Jazz Bass, Fender Electric XII, Fender Bass VI, versus Gibson Les Paul Gold Top à micros P-90 puis Gibson Les Paul Sunburst avec micros humbuckers, Gibson Flying V, Gibson Explorer, Gibson Les Paul Junior, Gibson Les Paul TV, Gibson SG, Gibson Firebird, ou par ordre d’apparition Gibson ES-335, Gibson ES-345, Gibson ES-355, Gibson ES-330, les basses Gibson EB-0, Gibson EB-2D, Gibson Thunderbird. N’en jetez plus, tous les grands classiques autour desquels l’industrie contemporaine de la guitare électrique tourne toujours et encore aujourd’hui sont ici réunis ! Si l’on ajoute quelques modèles épigones des valeureux outsiders Gretsch, Rickenbacker, Guild, Mosrite, Danelectro voire de Vox ou d’Höfner en Europe, toutes ces créations sont devenues les véritables archétypes de la guitare électrique solid body et semi-hollowbody. Comme pour la lutherie du violon calquée sur le modèle d’un Stradivarius, d’un Amati, d’un Guarneri, si vous leur ajoutez ou enlevez quelque chose, la magie se brise !

Dresser une liste exhaustive de ceux qui ont porté la guitare électrique solid body au pinacle relève de la gageure. Retenons alors seulement quelques noms de guitar heros dans le domaine exclusif du rock qui ont définitivement changé la face du monde de la guitare : Cliff Galupp (1930-1988), Hank Marvin (1941), James Burton (1939), Jimi Hendrix (1942-1970), Mike Bloomfield (1943-1981), Peter Green (1946-2020), Keith Richards (1943), Jimmy Page (1944), Jeff Beck (1944), Alvin Lee (1944-2013), Albert Lee (1943), Eric Clapton (1945), Rory Gallagher (1948-1995), Frank Zappa (1940-1993), Rober Fripp (1946), Danny Gatton (1945-1994), Tony Iommi (1948), Johnny Winter (1944-2014), Ritchie Blackmore (1945), David Gilmour (1946), Carlos Santana (1947), Harvey Mandell (1945), Chris Speeding (1944), Mark Knopfler (1949), Angus Young (1955), George Harrison (1943-2001), Pete Townshend (1945), Brian May (1947), Paul Kossoff (1950-1976), Gary Moore (1952-2011), Stevie Ray Vaughan (1954-1990), Randy Rhoads (1956-1982), Eddie Van Halen (1955-2020), James Jamerson (1936-1983), Jaco Pastorius (1951-1987), etc. Voilà déjà quoi passer quelques bonnes heures de guitare électrique en compagnie de ce panthéon !

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