Flamenco

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LA GUITARE FLAMENCO

Au XVIIIe siècle, le flamenco n’est encore qu’une danse andalouse introspective, néanmoins démonstrative, à la façon dont procèdent les derviches tourneurs, qui se danse seul et prend ses sources dans les vestiges de la tradition arabo-andalouse et sa créolisation gitane majeure. Dans le dernier tiers du XIXe siècle, cet art extrêmement codifié intègre la guitare comme instrument d’accompagnement à son instrumentarium de percussions et de voix. Ce faisant, cette dernière se confondra bientôt avec le style même du flamenco qui ne saurait s’en passer aujourd’hui. Qui dit flamenco dit guitare, qui dit guitare flamenca dit Gitans andalous, qui dit tout cela dit duende, la force vive et libre qui naît du moment de jeu flamenco où l’âme vibre au son des cordes des guitares. Au plus fort du duende, on s’écrit Olé, une déformation du nom d’« Allah », tout comme dans le rebetiko grec on invoque Jésus sous la forme « Yasu ! » pour s’émouvoir au beau milieu d’un solo extatique.

Pour un néophyte, la guitare flamenca ressemble à s’y tromper à une guitare classique, elle-même issue des citoles médiévales. Pourtant, à y regarder de plus près, de petites différences en font un instrument bien différent : les essences de bois, avec notamment une caisse à profondeur plus réduite en cyprès qui offre un son plus percussif ; une longueur de cordes vibrante plus longue – le diapason est allongé – ; un renversement de manche plus prononcé ; une hauteur des cordes sur la touche – dite « action » – offrant un jeu plus doux et véloce ; la persistance de mécaniques à chevilles anciennes, simples et légères, et enfin un golpeador, le plus souvent noir ou blanc, plaque de protection en cellulose collée sur la table et qui prévient l’usure prématurée du bois de la table sous les coups (« golpe » en espagnol) de percussions des doigts, technique propre au style.

Quelques noms essentiels à retenir : celui du grand luthier barcelonais Ignacio Fleta (1897-1977) ; Manuel Ramirez (1864-1916) ; Domingo Esteso (1882-1937) ; Santos Hernandez (1874-1943) ; Marcelo Barbero (1904-1955). Parmi le foisonnement des musiciens gitans qui ont fait la tradition du flamenco, on soulignera l’apport majeur gravé sur disque des musiciens phares Ramón Montoya (1879-1939), Sabicas (1912-1990) ; Paco de Lucía (1947-2014) qui révolutionna le genre et lui donna ses lettres de noblesses internationales depuis les années soixante, et enfin les contemporains Pepe Habichuela (1944), Gerardo Núñez (1961), Vincente Amigo (1967). On en oublie ici beaucoup… Alors, pour conclure, autant citer le plus oublié de tous : son existence nous est rapportée sous la plume de Charles Baudelaire dans « Du vin et du haschisch ». Il y évoque un guitariste gitan exceptionnel qui croisa en Espagne la route de celle, errante, d’un jeune Niccolo Paganini (1782-1840). Ce dernier, qui n’était pas encore au feu de sa gloire, rapporta qu’il ne connut pas de musicien plus virtuose que ce gitan. Venant de cet instrumentiste endiablé à qui l’Église même refusa un enterrement religieux, on se prête à rêver sur ce que donnait à entendre cet infernal duo ! Peut-être est-ce le paradis, l’ailleurs et autre temps, dont Reinhardt et Grappelli nous donnent une idée ? La postérité n’aura donc pas retenu le nom du comparse de Niccolo Paganini, guitariste flamenco inconnu, dont le poète se demande dans quel fossé, dans quel ravin aura disparu sa flamme et sa dépouille…

Voilà de quoi inspirer quelques compás aux flamenquistes les plus inspirés ! 

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